Amazon perd en appel mais peut vendre un peu plus de produits depuis la France

La Cour d’Appel de Versailles a rendu sa décision aujourd’hui au sujet de l’activité d’Amazon qui avait été condamné, en première instance, à évaluer les risques d’exploitation et à limiter ses ventes aux articles exclusivement essentiels.

Dans un arrêt de 24 pages, que nous nous sommes procurés, la Cour a partiellement confirmé la première décision.

Dans un premier temps, la Cour ne retient pas, comme le tribunal judiciaire, la notion de dépassement du seuil des personnes rassemblées dans un même lieu, comme cela est le cas pour l’organisation d’un spectacle.

De ce point de vue, le lieu de travail n’est donc pas considéré comme un lieu ordinaire rassemblant du public.

En revanche, la Cour maintien ses critiques sur l’organisation des mesures de prévention et indique en particulier :

« Les premiers juges ont à bon droit affirmé que conformément aux dispositions de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, qu’en application des articles L. 4121-3 et R. 4121-1 à R.4121-4 du code du travail, l’employeur est tenu d’évaluer, compte tenu de la nature des activités de l’entreprise, les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, de transcrire les résultats dans un document unique et de mettre en oeuvre les mesures de prévention adéquates. »

La Cour rappelle ensuite que la mise à jour du document unique d’évaluation des risques, qui recense les mesures de préventions, doit être faite en concertation avec les salariés de chaque établissement qui « disposent des connaissances et de l’expérience de leur propre situation de travail et des risques qu’elle engendre »

D’autre part, Amazon se voit sanctionné, dans la logique du paragraphe précédent, pour n’avoir pas informé le C.S.E. des conséquences de ses décisions « s’agissant d’ aménagements importants modifiant les conditions de santé et de sécurité ainsi que les conditions de travail ».

Le tribunal reconnait que la société Amazon a pris de nombreuses décisions pour assurer la sécurité de ses salariés, mais sanctionne le fait que ces mesures ont été prises sans associer les représentants des salariés, les services de santé au travail et éventuellement, des intervenants externes qui auraient pu servir de sachant.

La Cour relève aussi, comme les premiers juges, le fait que « l’employeur n’a pas évalué les risques psycho-sociaux, particulièrement élevés en raison du risque épidémique et des réorganisations induites par les mesures mises en place pour prévenir ce risque. »

Or, au delà des mesures de protection, et du matériel fourni, il peut résulter des angoisses et des peurs qui n’ont pas été prises en compte par Amazon dans son plan d’action.

C’est bien d’ailleurs, sur le fond, ce plan d’action qui est critiqué par le constat d’une évolution « au jour le jour » et des changements incessant sans réelle cohérence d’ensemble et pas de prise en compte des spécificités de chaque établissement.

Enfin, la Cour confirme l’appréciation des premiers juges sur le défaut de formation et d’information fait aux salariés, de sorte que, même s’ils disposaient de matériel, ils n’étaient pas en capacité de les utiliser selon des prescriptions précises et d’agir, dans l’entreprise, avec des gestes et méthodes auxquels ils auraient été formés.

Sur ces points, évoqués en première instance, la Cour confirme donc le premier jugement.

Elle s’intéresse ensuite à la situation du moment, qui aurait pu évoluer depuis le premier jugement, ce que la société Amazon affirme d’ailleurs en produisant une nouvelle évaluation des risques.

Sur ce point, si les magistrats constatent bien des avancées et de nouveaux documents qui amendant le document unique, ils critiquent toujours la méthode :

« En tout premier lieu, il importe de constater que les nouvelles actions entreprises aux fins d’évaluation des risques et d’élaboration des mesures propres à garantir la santé des salariés interviennent dans le contexte d’un arrêt des activités de sorte qu’elles ne peuvent bénéficier de l’apport essentiel des retours d’expérience, notamment de la part des salariés. »

Finalement, la Cour d’Appel de Versailles reconnait également qu’il convient de faire cesser un trouble manifestement illicite en imposant des restrictions à l’activité d’Amazon France et ce, tant que la société n’aura pas mis en place un plan d’action complet en concertation avec les salariés :

« il y a donc lieu de restreindre les activités de ces entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits de première nécessité ou indispensables notamment au télé-travail que le gouvernement a entendu privilégier…« 

Ainsi la société Amazon ne devra pas vendre d’autres produits que ceux énoncés dans l’arrêt à savoir :

  • « -Hich-tech, Informatique, Bureau
  • -“Tout pour les animaux” répertorié dans la rubrique Maison, Bricolage, Animalerie
  • -“Santé et soins du corps”, “Homme”, “Nutrition”, “Parapharmacie” répertoriés dans la rubrique Beauté, Santé et Bien-être
  • -Epicerie, Boissons et Entretien. »

Enfin, les juges condamnent Amazon à une astreinte de 100 000 euros « due pour chaque réception, préparation et/ou expédition de produits non autorisés, et ce pendant une durée maximale d’un mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué« 

Amazon se voit de nouveau restreindre son activité, et surtout sanctionné pour sa gestion de la mise en place d’un plan d’action face à l’épidémie de Covid-19 et ne pourra présenter de nouveau dossier que dans un mois.

Depuis le premier jugement, dont les effets n’étaient pas suspendus par l’appel, s’agissant d’un référé, Amazon a fermé ses entrepôts français et fait expédier les produits depuis des plate-formes européennes voisines.

L’impact sur le volume des ventes est mineur et ne se traduit pas – encore – par une baisse substantielle des colis traités pour le compte d’Amazon par Colis Privé et Adrexo. Cependant, le volume de colis urgents de ce fournisseur, les « next day », sont nettement moins nombreux ce qui traduit sans doute une impossibilité de tenir des délais très courts désormais.

Cet arrêt sera peut-être de nouveau contesté devant la Cour de Cassation mais s’applique toutefois et va sans doute être largement utilisé dans nombre d’entreprises qui ont à faire travailler des salariés ensemble.

Tant sur le fond, que sur la méthode, cet arrêt constitue une première jurisprudence directement liée à Covid-19 dont les arguments pourront être utilisés et adaptés devant d’autres juridictions du territoire.

Elle consacre principalement l’utilité du dialogue social et de l’association des salariés de terrain pour construire des plans d’actions mais constitue également une sanction forte d’un modèle autoritaire, purement administratif ne se souciant pas des effets, sur les salariés, d’un plan qui les concerne pourtant directement.


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2 Commentaires

  1. Bonsoir

    Et comme tout le monde se jette sur Amazon, tenez ! même son concurrent français, à savoir Cdiscount enregistre en ce moment un pic de commandes ?!
    Preuve s’il en est que tous les commerces ne souffrent pas forcément du Covid-19 !

  2. Bonjour, on y vient. Traiter les salariés comme quantité négligeable ne sera pas la meilleure façon de gérer la situation. Il va falloir que l’entreprise prenne bien en compte son obligation de sécurité à l’égard de ses employés et mette en place les moyens adaptés. Il faudra qu’elle fournisse ce qui sera nécessaire pour que les distributeurs puissent exercer leur activités en toute sécurité. Et pas question de me demander d’acheter quoi que ce soit. Que l’on nous payent déjà correctement les kilomètres que l’on effectue pour faire nos distributions. Et que l’on nous équipe des moyens de protection pour faire face au COVID 19.

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