Avec les problèmes sanitaires, le recours au télétravail s’accélère et de nombreuses entreprises y voient aujourd’hui de nombreux bénéfices.
Mais, malgré quelques avantages pour le salarié, doit-on considérer cette nouvelle forme de travail comme une évolution ?
Assurément non !
Du moins, pas dans n’importe quelles conditions.
Ce qui peut paraitre comme une certaine liberté nouvelle au yeux des salariés, pourrait bien devenir demain une contrainte permanente.
D’ailleurs, les employeurs ont radicalement sauté sur l’occasion tout en refusant catégoriquement qu’un accord d’entreprise devienne obligatoire pour mettre en place durablement le télétravail.
Pourtant, avec le télétravail parfois d’abord forcé, puis mis en place sur incitation, les salariés ont déjà modifié leur rapport au travail.
Un rendez-vous d’un enfant chez le médecin, un colis à recevoir, une course urgente à réaliser, ces taches de la vie quotidienne, autrefois réalisées en dehors des horaires de travail, deviennent aujourd’hui possible pendant le temps de travail à la maison.
Armé d’un téléphone, tout devient réalisable. Le salarié passera un peu de temps supplémentaire à se remettre à jour, l’essentiel est que son travail soit fait.
Il y a une donc l’amorce d’une relation différente, basée sur le résultat plutôt que sur le temps de présence effectif.
Or, tout le monde le sait, le résultat n’est parfois pas obtenu aussi vite que souhaité. Sur son lieu de travail, les horaires étant fixés, contrôlés, le problème ne se pose pas. Les problèmes génèrent un allongement des délais partagés parfois en commun et explicables.
Le salarié était bien à son poste aux horaires prévus, il a donc travaillé, ce n’est pas contestable. Peut être ira-t-on remettre en cause sa performance, mais pas sa présence.
Le risque, c’est d’associer un allongement du délai à un manque de présence, qui cette fois, au domicile, est beaucoup moins contrôlée.
Remettre en cause ce temps d’activité pourrait conduire à considérer que le résultat demandé doit impérativement arriver au bon moment. Toujours avec le risque que le salarié doive travailler plus, pour contourner les problèmes rencontrés et rendre à temps son travail. L’employeur ignorant les éventuels impondérables ou contestant que le salarié ait été toujours en action de travail.
La relation deviendrait alors comparable à celle qu’une entreprise a avec une autre entreprise. Un fournisseur qui contracte des engagements et éventuellement paie des pénalités si le travail n’est pas conforme.
L’obligation de moyens (le salarié est présent) se transforme en obligation de résultats (tu dois produire pour cette date), modifiant la relation synallagmatique (présence contre salaire).
Le véritable risque étant que demain l’entreprise n’ait plus de salariés mais une multiplicité d’auto-entrepreneurs indépendants, à qui le donneur d’ordre peut fixer des cadences et des délais par contrat.
Or, de notre point de vue, une entreprise n’est riche que si elle possède des équipes qui se connaissent, travaillent ensemble et forment une communauté qui porte le projet d’entreprise.
Faire éclater cette communauté présente le risque de voir des salariés partir dans des chemins opposés par manque d’échanges. Tout le monde sait bien que beaucoup de problèmes se règlent à la cantine, entre deux portes ou devant la machine à café.
Les conférences téléphoniques ou en visio ne remplacent absolument pas ces relations de collègues au contact. La communication par mail, en présence de difficultés ou de retards, génère plutôt un passage de témoin et une déresponsabilisation (j’ai transmis donc c’est plus moi) plutôt qu’un engagement.
Le bénéfice/risque semble, de ce point de vue, très déséquilibré au préjudice de l’entreprise et de son projet.
Et demain
Il faut différencier le temps du confinement ou le télétravail était la seule solution pour travailler et la situation actuelle, où la pandémie peut être à l’origine de risques de contamination et la situation de demain, espérons-le, avec un retour à la normale.
Trois situations et périodes bien différentes.
Actuellement, l’usage des transports en commun par exemple, peut être un frein au télétravail, mais on ne peut pas modifier durablement les usages du travail, en prenant comme référence une période exceptionnelle qui n’a donc pas vocation à durer.
Or, les entreprises françaises, comme souvent, ont un raisonnement assez binaire. Elles vont vite se réfugier dans le « tout télétravail » ou le « pas de télétravail du tout ». C’est assez classique dans les pays latins, tout doit être tranché et laisse peut de place à la flexibilité.
Sous-jacent, le coût des mètres carrés pour les entreprises qui pourront ainsi réduire leurs coûts de location.
Pour Adrexo, dont les actionnaires sont propriétaires des locaux du siège, c’est une manne supplémentaire de revenus. En effet, les locaux ont déjà été réaménagés pour que des zones de travail anonymes soient mis à disposition des salariés qui passeront quelques heures par semaine seulement dans l’entreprise. Ainsi, ils et libèreront des centaines de mètres carrés qui pourront être loués à d’autres sociétés extérieures.
Mais revenons au télétravail… les urbains, ont découverts, pendant la période de confinement, qu’il était pesant d’être toujours en ville et cherchent aujourd’hui à migrer vers des contrés plus rurales.
Ils y gagnent en confort et en qualité de vie mais aussi en prix de l’immobilier. Bonne opération pour les familles qui voient dans le télétravail, un moyen d’échapper à une vie urbaine et à gagner du pouvoir d’achat.
Le salarié ainsi plus distant de l’entreprise aura le même fonctionnement que s’il travaillait de son ancien domicile plus proche de son employeur.
Dans ces conditions, la distance n’étant plus une exigence commune, ne serait-il pas plus avantageux de faire travailler quelqu’un qui réside très loin, là où le coût du travail est nettement inférieur ?
Ce risque existe. Le travail autrefois réalisé en présentiel, s’il peut aujourd’hui être fait à distance, autorise n’importe qu’elle délocalisation.
Les moyens de communication, d’échanges d’informations n’ont aucune frontière et l’employé peut tout à fait exécuter une même tache à Paris qu’à Madagascar, au Maroc ou dans les pays de l’est.
Tous les postes ne sont bien sur pas concernés mais attention…
La négociation s’impose
Télétravailler un jour par semaine ou 4 ou 5 jours, ce n’est pas pareil.
La salarié qui acceptait et même y trouvait avantage de télétravailler occasionnellement ou une journée par semaine, devra demain trouver un équilibre entre son travail et sa vie personnelle.
Cela pose la question des horaires mais aussi du droit à la déconnexion, dès l’instant où le salarié peut être tenté ou contraint de travailler plus pour rendre son travail.
Ce qu’il acceptait pour une journée pourrait devenir la règle de fonctionnement, déstabilisant la structure familiale. L’urbain aujourd’hui campagnard devra-t-il passer son temps libre devant son écran d’ordinateur et ne pas profiter de son nouvel environnement ?
L’organisation les nouveaux usages au travail peut-elle être impersonnelle et générale ou faut-il individualiser les usages ?
Auparavant, assez peu utilisé le télétravail généralisé ne peut se gérer de la même manière.
C’est là que l’accord collectif prend tout son sens et permet le respect des droits individuels en fixant des règles claires qui sont connues de tous.
L’entreprise y gagnera en clarté et donnera à ses managers des outils pour contrôler, évaluer et encadrer le télétravail et les salariés connaitront les limites et les moyens mis à dispositions. Finalement ,un accord gagnant/gagnant dès l’instant où la partie relevant de l’indemnisation est déjà codifiée par un accord interprofessionnel mais peut avantageusement, pour tous, être complétée par l’accord d’entreprise.
Le gain significatif pour l’entreprise en loyer et en coûts directs permet sans doute une meilleure prise en charge des frais du télétravailleur.
En droit
Le télétravail a tout d’abord été introduit en France par un Accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005, dont les dispositions ont a été intégrées dans le Code du travail en 2012 (L. no 2012-387, 22 mars 2012). Ce cadre juridique a ensuite été modifié et assoupli par l’ordonnance du 22 septembre 2017 (Ord. no 2017-1387, 22 sept. 2017) et sa loi de ratification (L. no 2018-217, 29 mars 2018.). L’ANI de 2005 est toutefois toujours en vigueur.
Le code du travail intègre le télétravail dans les Article L1222-9 et suivants.
L’employeur ne peut imposer le télétravail.
Il doit également motiver son refus si le télétravail est possible.
Il doit mesurer et contrôler le temps de travail et procéder à un entretien annuel qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.
En savoir plus sur Syndicat C.A.T. Milee (ADREXO)
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Il faut pas confondre activité avec activisme.
Celui ou celle qui ne faisait pas grand chose en entreprise n’en fera pas davantage en télétravail. Cependant la personne performante en entreprise le sera davantage. C’est prouvé.
D’autre part le télétravail doit rester sur des proportions 1/3 par semaine .
Enfin il doit être intégré durablement dans l’organisation afin de mettre en place des accompagnements et indicateurs d’amélioration pour assurer l’équilibre entre la performance de l’entreprise et la qvt des salariés