La distribution directe : une précarité institutionnalisée ?

Cette article a été édité par les services de la DARES au Ministère du Travail le 15 septembre 2012.

Il reste pourtant tout à fait d’actualité :

« Si ses origines sont plus anciennes, l’activité de distribution d’imprimés non adressés s’est développée dans
les années 1970, parallèlement à l’essor de la presse gratuite d’annonces et de la grande distribution. Avec le
déclin de la presse d’annonces, illustré par la récente liquidation de Paru/Vendu, et l’essor des sites d’annonces sur
internet (comme Le Bon coin), les entreprises de distribution ont investi le domaine de la communication virtuelle
tandis que le travail des distributeurs se recentrait sur la diffusion de prospectus publicitaires, de publications
institutionnelles éditées par les collectivités territoriales et, depuis peu, de la nouvelle presse d’information gratuite
(type Métro ou 20 Minutes).


Bien que l’activité soit extrêmement éclatée, elle est désormais contrôlée pour l’essentiel par Gratuit, filiale du
groupe La Poste, et Distrib, filiale d’un important groupe de presse, qui se partagent 95 % du marché. Les deux
entreprises sont de taille équivalente. Les effectifs de la première sont moins importants mais son chiffre d’affaires
est supérieur (430 millions d’euros, contre 312,9 millions pour Distrib).

D’après l’Association pour le financement des activités du spectacle (AFDAS), qui gère les contributions formation des entreprises de la distribution directe, il existait cependant, en 2010, 43 sociétés de distribution qui cotisaient à cet organisme professionnel collecteur agréé.


La plupart sont des micro-sociétés qui échappent souvent aux règles de la branche ; quelques entreprises de plus
de 50 salariés interviennent en régions (parfois en sous-traitance de commandes passées à l’un ou l’autre « grand »).


Les salaires sont faibles et les conditions de travail difficiles, donnant régulièrement lieu à des articles « édifiants »
dans la presse locale ou nationale. Les données présentées dans le bilan social de branche permettent de se faire
une idée de la condition des distributeurs. Ces données portent sur les deux principales entreprises du secteur,
Gratuit et Distrib, qui restent seules adhérentes au Syndicat professionnel de la distribution directe. En 2011, il y avait
32 985 distributeurs, dont 40 % de femmes, pour 3 269 salariés « permanents » chargés de les encadrer. L’effectif
total de la branche, selon l’AFDAS, est de 22 500 salariés en équivalent temps-plein, ce qui souligne l’importance
du travail à temps partiel. La main-d’œuvre est plutôt âgée : la moitié des distributeurs a plus de 50 ans, un huitième
d’entre eux a moins de 30 ans. La quasi-totalité des distributeurs est en CDI, même si un quart des embauches
s’effectue en CDD. Le turn-over est extrêmement important, avec presque autant de départs que d’embauches
(32 750 pour 33 279), dont un quart de départs par démission et près de la moitié en in de période d’essai, ce qui
témoigne de la difficulté des entreprises à stabiliser la force de travail. Seuls 5 % des distributeurs sont employés
à temps plein, les deux tiers sont embauchés sur des contrats à temps partiel inférieurs à 65 heures mensuelles,
le plus souvent en dessous du plafond d’ouverture des droits à la sécurité sociale (60 heures mensuelles).

Le salaire moyen indiqué en 2011 était de 628 € pour les femmes et 655 € pour les hommes. Dans la mesure où la
distribution est avant tout une industrie de main-d’œuvre, fortement dépendante des clients « grands comptes » que
sont les grandes surfaces, la rémunération des distributeurs reste la principale variable d’ajustement économique.
En pratique, les distributeurs travaillent bien souvent pour des durées excédant le nombre d’heures pour lesquelles
ils sont payés, ainsi que l’attestent régulièrement des condamnations pour « travail dissimulé ».


La flexibilité des horaires fait de la distribution directe une activité aussi bien prisée par les jeunes, les
femmes ayant des charges de famille que les travailleurs ayant besoin de cumuler plusieurs salaires. L’absence
de qualification requise ainsi que la facilité d’embauche attirent également beaucoup de travailleurs immigrés, des
retraités cherchant un complément de revenu (militaires et policiers en retraite, pensionnés paupérisés) ou des
individus ayant connu des accidents biographiques (commerçants faillis, salariés en rupture de ban). Il n’existe
pas de réels collectifs de travail : les distributeurs sont dispersés sur plusieurs centaines de sites, répartis sur tout
le territoire, sur lesquels ils sont rarement présents. Ils viennent y chercher chaque semaine leur lot d’imprimés à
distribuer et effectuent seuls leur tournée. »


En savoir plus sur Syndicat C.A.T. Milee (ADREXO)

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