Les salariés saisissent de moins en moins les prud’hommes (sauf les cadres) ?

Est-ce bientôt la fin de cette juridiction ?

Au vu des chiffres en baisse concernant les affaires portées devant les prud’hommes, le délai de jugement et le taux d’appel, il semble que cette justice paritaire ait du plomb dans l’aile.

Les cadres représentent encore un quart des saisines prudhommales mais les employés renoncent souvent à engager des procédures.

Le nombre d’affaires accuse une baisse de 50 % en 10 ans

En 10 ans, le nombre de saisines des conseils de prud’hommes a quasiment été divisé par deux.

Pour autant, la situation dans les entreprises ne s’est pas améliorée.

En réalité, saisir les prud’hommes est devenu plus compliqué et moins « payant » pour les salariés (sauf les cadres).

Alors, beaucoup lâchent l’affaire et ne demandent plus nécessairement réparation pour les préjudices subis.

Des procédures longues et coûteuses 

Malgré une baisse du nombre de dossiers aux prudhommes, le délai de traitement s’allonge. Il était en 2021 de 16,3 mois en moyenne contre 9,9 mois en 2009.

Le manque de personnel, le manque de formation mais aussi des affaires de plus en plus complexes expliquent partiellement ce chiffre. La réforme de la procédure explique aussi pour partie le changement.

Désormais, pour saisir le Conseil de Prud’hommes, il faut rédiger une requête ou un formulaire assez complet, respecter les procédures, assister aux audiences, assurer les mises en état du dossier, et enfin le présenter dans des formes juridiques sérieuses. 

Les dossiers de harcèlement ou de discrimination sont particulièrement complexes car il faut présenter des preuves qui sont parfois difficile à collecter. De plus, souvent trop complexes à trancher pour les conseillers prud’hommaux, (qui ne sont pas des magistrats professionnels).

En cas de refus de la décision les salariés ou les employeurs font appel. 

En 2021, le taux d’appel aux prud’hommes s’élevait à 63%, c’est énorme. 

La durée moyenne des affaires en appel est en moyenne de 25 mois et marque souvent le début du vrai dossier juridique »

Les ruptures conventionnelles a limité peu à peu le recours aux prud’hommes

Depuis 2008 et l’apparition de la rupture conventionnelle, un nouveau mode de rupture est apparu. Il ne résout pas les conflits mais permet aux salariés d’être éligibles aux allocations chômage une fois partis de l’entreprise et après négociation d’une indemnité qui peut réparer tout ou partie du préjudice mais aussi plus rapidement. 

En réalité, les entreprises achètent les potentiels litiges.

La réforme de la procédure de saisine des prud’hommes qui dissuade

Depuis le 1er août 2016, la saisine du Conseil de Prud’hommes doit se faire par une requête motivée, accompagnée de son bordereau et des pièces, remises ou adressées au greffe. 

Avant, un salarié pouvait saisir lui-même le conseil de prud’hommes par voie orale ou au moyen d’un formulaire d’une page. Ce n’est plus le cas.

Même s’il n’est pas inabordable, le nouveau mode de saisine peut dissuader.

Un barème « Macron » moins « rentable » pour les salariés

Le dernier coup tordu ajouté à la procédure Prud’homale a été le barème Macron qui plafonne les indemnités en fonction de l’ancienneté des salariés.

De ce fait, l’employeur connait le montant maximum de l’éventuelle condamnation et peut budgéter ce coût en connaissance de cause.

Ce barème donne un blanc-seing aux employeurs pour mal se comporter avec leurs salariés pendant deux ans. Avec cette ancienneté, les travailleurs n’ont pas intérêt à saisir un conseil de prud’hommes.

Belle opération pour faciliter le contournement du Code du Travail.

Même si ce barème fait l’objet de nombreuses jurisprudences, il n’empêche que, pour la plupart des justiciables, le jeu n’en vaut plus la chandelle.

La Cour de Cassation a confirmé sa légalité et même l’obligation, pour les juges, de s’y conformer.

Des sommes dérisoires (et longues à percevoir) sont obtenues desquelles il faut évidemment défalquer les éventuels frais d’avocat, de déplacement, de préparation.

Une situation différente pour les cadres

Encore faut-il qu’ils soient dignement représentés car ils sont souvent manipulés et pourraient d’avantage tirer avantage de la justice Prud’homale.

Sur les 103 141 nouvelles affaires portées devant les prud’hommes en 2021, 24 373 relevaient de la section « encadrement » (soit 23,6%).

Ce chiffre est aussi en baisse mais qui reste tout de même important. Il y a cinq sections dans un Conseil de Prud’hommes (Encadrement, commerce, agriculture, industrie et activités diverses).

Si les cadres continuent de saisir les prud’hommes, c’est évidemment qu’ils ont beaucoup plus à y gagner que les autres salariés : 

  • Le barème Macron correspond à un nombre de mois de salaire et la rémunération des cadres est plus importante que celles des autres salariés. 
  • Les cadres sont également plus au fait des recours existants en cas de licenciement abusifs, de harcèlement… Ils sont aussi plus tentés à se faire respecter.
  • Ils sont également moins isolés que les autres et ont donc plus de facilités à faire témoigner leurs collègues en leur faveur alors que les employés peinent à obtenir des témoignages.
  • Les dossiers portés par les cadres sont aussi plus complexes et sont plus « propices » à contourner le barème Macron. (Le harcèlement moral, sexuel, la discrimination, etc., échappent à ce barème.) C’est une indemnisation potentiellement plus conséquente.
  • Enfin, la situation de quasi plein emploi pour les cadres leur permet de mener de front un retour à l’emploi et de se faire justice. 

Les cadres sont globalement plus employables que les autres salariés, ils sont aussi financièrement plus aisés et peuvent plus facilement attendre parfois deux ans une décision du conseil des prud’hommes ou de la cour d’appel.

Les employés, moins préparés, qui ont pourtant d’avantage d’intérêts à actionner, abandonnent plus souvent le projet d’une procédure.

Dans quelques années, les ministres viendront nous annoncer qu’avec si peu d’affaires, la juridiction n’a plus d’intérêt et qu’il convient de la supprimer et d’intégrer le contentieux du travail dans un autre domaine du droit. C’est bien dommage.

Bon à savoir :

Un syndicat peut assister un salarié devant un Conseil de Prud’hommes. Généralement beaucoup plus économique qu’une procédure avec un avocat, le syndicat peut intervenir directement, opérer les actes de procédure et présenter les dossiers devant les juridictions.


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3 Commentaires

  1. Rien de bien étonnant malheureusement dans ce monde de brutes !
    Allez tenir, pour un employé, sans connaitre tous les méandres…2 ans de procédures pour ?
    Pour les cadres ça peut paraitre normal. Plus au fait des règlements et avec un peu de trésorerie perso pour tenir…ça peut faire jackpot !
    Bon courage à tous

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  1. Comment saisir le Conseil de prud'hommes ? - Syndicat C.A.T. Milee (ADREXO)

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