Milee et Hopps échouent en conciliation : décryptage

Le groupe et sa filiale Milee n’ont pas obtenu l’homologation d’un plan de refinancement présenté devant le Tribunal de Commerce de Marseille dans le cadre d’une procédure de conciliation.

Il faut noter en préambule et afin qu’aucune confusion ne se fasse que Milee et Hopps Group ont finalement obtenu un refinancement malgré le refus d’homologation du tribunal de Commerce.

Tout d’abord, quelques explications sur la procédure utilisée.

Une demande d’homologation permet à une entreprise de présenter, dans le cadre d’une procédure de conciliation, une proposition de plan de financement au tribunal de commerce afin que celui-ci valide l’ensemble du projet mais surtout fasse que les prêteurs soient considérés comme « privilégiés » en cas de cessation de paiement.

Ils pourraient ainsi passer en premier pour se faire rembourser sur les actifs existants.

Dans le cas de Milee et de Hopps, l’état qui est sollicité pour étaler le paiement des cotisations sociales et des charges fiscales mais aussi l’organisme financier qui prêterait des fonds souhaitaient cette homologation pour mieux se garantir.

Tout cela intervient bien entendu dans un contexte global de difficultés financières impliquant déjà d’autres créanciers.

Et pourquoi le Tribunal de commerce de Marseille ?

Parce qu’en matière de procédures collectives, il existe des tribunaux de commerce « spécialisés » qui prennent en charge les dossiers les plus importants avec des magistrats spécialistes.

Le tribunal de commerce d’Aix en Provence est normalement compétent pour beaucoup d’actes courants, pour Milee et Hopps, mais, pour une homologation, il fallait aller à Marseille et ce n’est pas sans incidence, vous verrez.

La demande :

La demande d’homologation implique que la procédure impose précisément le respect de l’article L611-8, II du Code du Commerce.

Il faut donc respecter trois conditions cumulatives.

Nous y reviendrons.

Pour ce faire, il est aussi nécessaire que le tribunal soit correctement et entièrement informé.

C’est semble-t-il pour cette première raison que le tribunal n’homologuera finalement pas.

Il indiquerait qu’il manque de certaines informations comptables qui empêchent une visibilité correcte du dossier.

Ca partait mal…

Un premier point qui parait pourtant essentiel pour faire que les juges prennent une décision.

Il semble que nos patrons se soient un peu crus devant une formalité administrative dont ils pouvaient faire l’économie.

Pour satisfaire aux impératifs de l’article L 611-8, II du Code du Commerce cité ci-dessus, revenons donc aux 3 conditions.

Le débiteur n’est pas en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin

Même si des observateurs pouvaient considérer que le groupe et Milee n’étaient pas en capacité de faire face à leurs obligations, il n’est pas contestable que l’accord proposé mettait fin, au moins provisoirement, à l’éventuel état de cessation de paiement.

Les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise ;

La, l’affaire se complique chers amis…

Le conciliateur nommé indiquerait que l’accord est vital mais concèderait qu’il ne permettrait pas le redressement de l’entreprise.

Il aurait aussi dit que les discussions avec l’entreprise avaient été « poussives ».

Pas de quoi rassurer le tribunal, c’est sûr !

Le procureur, lui, aurait souhaité que l’entreprise s’en sorte mais serait très pessimiste et préciserait même que des doutes demeurent au vu des montages financiers annoncés.

L’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires.

Le tribunal sur ce point peut s’interroger.

Si on considère que le refinancement ne règle finalement rien pour l’avenir, le risque pour les créanciers déjà existants est avéré.

Pourquoi, dès lors, faudrait il que les nouveaux créanciers deviennent prioritaires par rapport aux autres.

Ceci provoque un déséquilibre et on peut se poser la question de savoir pourquoi un organisme financier veut bien prêter alors que la situation est complexe et demande au surplus cette homologation alors que l’état est prêt à garantir le prêt à 90 %…

Les magistrats semblent surtout par ce refus sanctionner l’équipe dirigeante au motif qu’elle n’aurait pas démontré sa capacité à assurer la continuité de l’exploitation.

Pour autant, en ne plaçant pas l’entreprise en faillite, il considère qu’elle peut encore vivre en étant gérée autrement ou par d’autres.

Un historique peu valorisant

Milee existe sous le nom d’Adrexo sous sa forme actuelle depuis 2017 avec le rachat de l’entreprise et la création du groupe Hopps.

Rappelons que pour « racheter » Adrexo, les actionnaires actuels ont touché 53,8 Millions pour faire fonctionner l’entreprise, c’est ce que l’on appelle une vente à prix négatif.

On vous paye pour se débarrasser d’une boite dont on ne veut plus.

Adrexo accumule des pertes dès le début avec 21 Millions en 2017 et 19 en 2018.

Fin 2018, la tornade des gilets jaunes s’abat sur l’entreprise et lui impose d’emprunter pour la première fois et doit renouveler l’opération en juillet 2019 (21 M€ puis 9 M€).

Même si nous vous voyons sourire derrière votre écran, c’est bien ce qu’évoquerait l’entreprise, tout est parti des gilets jaunes donc…

Un peu plus loin, la justification du Covid-19 intervient pour indiquer une perte de 100 Millions sans toutefois que l’on sache bien s’il s’agit de perte de chiffre d’affaires ou comptable.

Il n’est pas fait mention non plus de l’absence de coûts salariaux pendant cette période et comme l’entreprise indique aussi que les coûts sont supérieurs aux revenus, on peut se poser la question de savoir si finalement en ne travaillant pas, elle ne limitait pas ses pertes ?

Il semblerait également que l’absence, peut être opportuniste, des comptes 2019, dans le dossier présenté au tribunal n’ait pas aidé à y voir clair.

Une lumière céleste semble tomber toutefois sur l’entreprise en avril 2022 avec la vente de sa filiale Colis Privé pour 582 Millions.

Sur ce point précis, le tribunal de commerce n’aurait pas tout compris surtout sur la répartition de la somme avec notamment un reliquat de 150 Millions qui ne serait pas affecté.

Rappelons que malgré cet apport conséquent, la trésorerie était consommée à l’automne 2022.

C’était sans compter sur un nouvel évènement de taille et qui impactera directement Hopps Group : la guerre en Ukraine, qui aurait fait subir des hausses des coûts de distribution.

On est bête, on n’y avait pas pensé !

Ben voilà, encore la faute de ces distributeurs qui se gavent avec des salaires de ministre et des frais de déplacement pharaoniques.

Mais comme un malheur n’arrive jamais seul, c’est la disposition relative au OUI PUB qui sonnera le glas de Hopps Group.

Mais, là, le tribunal aura t il compris que la loi ne concerne qu’une partie infime du territoire ? Et qu’en dehors des zones concernées, l’extension du OUI PUB ne pourrait se faire qu’en 2025…

Il faudra garder l’argument pour une prochaine fois, ça ne tient pas.

Bref… plus c’est gros, plus ça passe… mais quand même.

Si on ajoute à tout cela, l’absence de production des comptes de 2022 car décalés par le tribunal de commerce d’Aix, cette fois, et le fait que les comptes à août 2023 n’ont pas -encore- été audités, on est quand même d’un épais brouillard qui, même les lumières puissantes du tribunal, ont du mal à dissiper.

La décision du tribunal n’a donc rien de surprenant et ne relève pas de l’incompétence des magistrats comme le claironne la direction mais bien d’une réalité objective.

Les juges noteraient aussi qu’il faudrait conjuguer beaucoup d’améliorations pour tenter d’obtenir un retournement de l’entreprise et s’étonne, à juste titre, de sa lenteur a prendre des décisions pour se prémunir des problèmes de trésorerie.

Comme nous, le tribunal mettrait aussi en cause la gestion même de l’entreprise et sa volonté de prendre des mesures efficientes pour envisager de meilleurs résultats.

Les charges d’exploitations augmentent malgré la réduction du chiffre d’affaires et sur ce point on ne peut être qu’interpellé !

Des références aux C.S.E.

La aussi, plus c’est gros, mieux ça passe…

Des envolées lyriques de la direction pendant les C.S.E. font peut être écarquiller les yeux de quelques-uns mais ont l’effet inverse quand les mêmes dirigeants se retrouvent devant des analystes chevronnés.

Le 28 septembre 2023, la direction évoquait semble t-il un besoin de 60 millions et envisageait de céder une entreprise du groupe pour 50 à 70 Millions et, le 6 septembre envisageait l’entrée d’un nouvel actionnaire pour 30 Millions.

Pourtant, un expert aurait affirmé au tribunal que ladite entreprise apparaîssait valoir 20 Millions (et plus 50…).

Surprenant….

Ca l’est pour le moins en effet et le chiffre s’adresse là à des esprits moins réceptifs à l’hypnose qu’au C.S.E.

Pour autant, les écrits restent et le tribunal n’aurait pas été dupe.

Il ne manquerait pas non plus de s’étonner de la lenteur de réorganisation alors que la situation est quasi- désespérée.

Les commissaires aux comptes de l’entreprise, eux, n’auraient rassuré personne en refusant de répondre aux questions du tribunal et du procureur.

La même direction indique au C.S.E. du 6 septembre qu’elle croit avoir besoin de 90 Millions et écrirait au tribunal que son besoin serait cette fois de 55 Millions, le tribunal sait lire !

Là encore, pas de quoi rassurer.

Enfin, le groupe valoriserait auprès du tribunal son activité e-commerce à 200 Millions (Portés à 280 lors du dernier C.S.E., tout augmente…) sans véritablement en justifier.

Le tribunal s’étonnerait qu’avec une telle valeur, aucune démarche n’ait été entreprise pour faire entrer de nouveaux actionnaires afin d’assurer le développement.

Et côté social ?

Coté des représentants du personnel (de Milee et de Hopps) qui sont entendus, ils déclarent qu’il faut sauver les emplois, pas parler sur internet mais aussi que les salariés savent que les dirigeants mettent toute leur énergie pour débloquer la situation.

C’est mignon non ?

Un vrai poeme… un peu trop peut être…

Le Tribunal aurait noter lire beaucoup de messages sur les réseaux oú des salariés ne partagent pas cet avis.

En conséquence de quoi :

Le projet présenté ne serait pas précis, pas assez documenté, incohérent par moment et surtout ne donnerait de l’air à l’entreprise que jusqu’en février 2024.

Aucune banque francaise ne veut intervenir même avec la garantie de l’état à 90% et le preteur étranger n’interviendrait que parceque quelque uns de ses collaborateurs auraient eu de bonnes relations dans le passé avec Hopps…

Bref, la situation actuelle est suffisement grave pour que le prêt ne soit pas un moyen certain de poursuivre l’exploitation…

On nous dit après que le tribunal n’avait aucune raison objective de refuser l’homologation ?

Pas de restructuration vigoureuse, des prévisions hautement volatiles, un organigramme juridique complexe sans axe de développement prioritaire, une augmentation du chiffre d’affaires nécessaire à hauteur de plus de 50%, des stratégies pour le moins audacieuses, pas d’études de marché robustes, une absence d’information sur les autres créanciers, autant d’expressions qui auraient été utilisées par le tribunal et qui montrent l’état d’esprit des magistrats.

Ces constats ne permettent pas d’avantager le préteur proposé par rapport aux autres créanciers et donc de satisfaire aux obligations de l’article 611-8 du Code du Commerce.

C’est trop tard !

C’est en conclusion ce qu’indique le tribunal en affirmant que la situation est inextricable et que la direction ne démontre pas avoir tenté quelque chose pour se sortir de l’ornière dès que la situation de trésorerie devenait tendue.

Le protocole proposé serait donc inutile face à l’ampleur et la gravité de la situation.

Alors, oui, le tribunal avait des raisons de refuser l’homologation contrairement à ce qu’indique la direction.

Depuis, le préteur étranger a pris d’autres garanties pour finaliser son financement et d’autres moyens ont été utilisés pour se faire.

La poursuite d’exploitation est donc assurée pour l’instant.

Pour autant, le diagnostic des juges du tribunal de commerce de Marseille sera t il confirmé ?

Nous ne sommes pas experts, nous ne relatons que les faits, mais en lisant tout cela, nous ne sommes pas rassurés.


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10 Commentaires

  1. Bonjour conclusions il y a déjà bien longtemps que vous nous relatiez ces faits et que finalement le tribunal confirme et donc rendez-vous en février 2024 on verra mais grande inquiétude que les magistrats aient raison ce qui je crois ai votre analyse aussi

  2. En gros cela veut dire que l entreprise arrêtera certainement après cette date ??????

  3. Si l entreprise est en deficite je ne voit pas comment elle pourrait continuer soyez franc

    • Elle est en déficits depuis 10 ans environs et ça ne l’a pas empêché de fonctionner jusqu’à présent.
      Même si ça ne peut pas durer éternellement, ça ne conditionne pas u e faillite automatique.

  4. Bonjour,
    Est-ce que vous savez si l’entreprise a reçu l’argent du prêteur et si nous serons payé le 1er ? Merci pour votre réponse.

  5. Oui mais y a dix ans on avait beaucoup plus de pub qu’aujourd’hui et on commencer déjà à creuser et maintenant avec le leclerc en moins et tout le reste sa fait plus qu’un trou….

    • Bonjour, Nous avons interrogé la direction car nous n’avons pas eu d’alerte particulière sur le versement de ce mois-ci.

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