C’est la question qui se pose et qui génère de légitimes inquiétudes.

Demain, aurons nous de la publicité à distribuer ? allons nous la distribuer partout ?

Les choses vont changer, c’est sur, mais le changement a parfois du bon, du moment qu’il permet de s’adapter. Encore faut il que les salariés ne soient pas les grands perdants du changement.

Ce qui est sur, c’est que si Milee (et toutes les entreprises d’ailleurs) ne s’adapte pas au marché, elle devra fermer, alors le choix imposé est de modifier le modèle économique de l’entreprise. Le changement peut générer des angoisses et des inquiétudes mais soyons ensemble informés des enjeux, des projets et de l’environnement pour se faire une idée en connaissance de cause.

La distribution du prospectus dans toutes les boites comme nous l’avons connu, c’est fini à brève échéance et la dessus tout le monde est d’accord car le nombre de prospectus restant sera trop faible pour générer un équilibre économique.

Pour autant, cela n’est pas obligatoirement synonyme de la fin de nos emplois et peut être même le contraire si l’adaptation est fructueuse.

Posons quelques informations pour réfléchir :

  • Milee (ex-adrexo) n’est pas rentable avec les poignées actuelles composées notamment des clients alimentaires.
  • Médiapost, principal concurrent, annonce également une situation déficitaire et c’est nouveau chez eux.

En cause la baisse des volumes dès 2022 pour certains clients, et même l’arrêt pour certains en 2023.

S’ajoute a cela une volonté politique de montrer des ambitions écologique et le papier est réputé comme particulièrement néfaste dans ce domaine (même si objectivement, il y a matière à discussion).

Demain, c’est à dire dans le dernier trimestre 2023 et l’année 2024, d’autres grands clients d’imprimés publicitaires ont annoncé cesser la diffusion avec comme principal entreprise, Leclerc, qui cesse déjà progressivement la diffusion en réduisant ses volumes et le poids de ses prospectus pour arrêter complément la distribution en septembre 2023.

Certains magasins Leclerc ont même dès à présent totalement arrêté de distribuer.

Dans son sillage, Cora, Intermarché, et d’autres annoncent la même décision alors que d’autres comme Carrefour souhaite poursuivre encore un peu la diffusion de prospectus et il se dit même que Lidl et Aldi voudraient accentuer les volumes de distribution.

D’autres acteurs de la distribution, mais non alimentaire cette fois restent des clients importants mais ils ne communiquent que rarement toutes les semaines, ce qui compromet évidement l’équilibre de la rentabilité de la poignée sur toutes les semaines de l’année.

Autre facteur aggravant :

  • Le prix du papier qui ne cesse d’augmenter avec un coût multiplié par 2,5 qui rend le prospectus très cher à fabriquer, et même trop cher désormais par rapport au rendement qui génère.

L’équilibre économique d’une entreprise de distribution repose sur la mutualisation de la tournée et le couplage de plusieurs documents pour un même secteur.

Prenons un exemple simple :

  • Un secteur de 1 000 boites en urbain (zone de pavillons sans immeuble),
  • Un temps de distribution de 5 heures (toujours par exemple),
  • 10 kilomètres de trajet à l’intérieur du secteur et 20 kilomètres de trajet dépôt/secteur ou dépôt/domicile.
  • 5 heures de salaire, c’est environs à minima 100 euros de coût pour l’entreprise (smic + cotisation – allégement bas salaire)
  • 30 kilomètres c’est 15 euros de frais à verser au salarié concerné.
  • Pour trouver un équilibre, l’entreprise devra donc générer un chiffre d’affaires minimum de 138 euros (115 € + TVA).

Cet « équilibre » est très relatif puisqu’il faudra ajouter à ces coûts les frais de structure (locaux, personnel, etc…)

  • Avec un prix de vente qui n’a cessé de baisser du fait d’une lutte acharnée entre les deux principaux opérateurs depuis des décennies, il n’est pas rare de voir des prix de vente entre 20 et 30 euros du « mille » pour de gros clients. Cette course aux prix n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune interrogation de la part de l’état qui a laissé un quasi duopole vendre à perte sans s’émouvoir le moins du monde.
  • Il faudrait donc plus de 6 ou 7 clients distribués sur ce secteur pour approcher d’une rentabilité brute et sans doute plus d’une dizaine pour obtenir une rentabilité tout court (structure inclus).

Nous parlons d’un secteur urbain, la distribution plus lente et plus gourmande en kilomètres du rural imposerait beaucoup plus de clients simultanés. Il faut bien entendu raisonner globalement avec des centres avec 5 documents et d’autres avec 20 pour obtenir une moyenne nationale.

Pour « espérer » la rentabilité, il faut donc mutualiser des documents et des courriers pour arriver à un ensemble suffisamment fort mais aussi suffisamment régulier.

Cet objectif ne peut probablement pas être réalisé sans documents hebdomadaires récurrents et donc sans client du domaine alimentaire qui sont les seuls à communiquer massivement de la sorte.

La démonstration en a été faite par Adrexo qui n’a pas pu être rentable jusqu’à présent alors que ces clients communiquaient encore et qu’Adrexo possédait environs 40% du marché national. Il sera donc tout à fait impossible d’assurer un retour aux bénéfices sans ces clients demain et sans apporter une solution qui passe par une nouvelle activité et une transformation importante.

Il ne faut pas être un grand économiste pour poser cette conclusion qui impose donc de revoir le modèle économique de la distribution publicitaire et il semble que ce soit l’objectif du tournant « 150euros ».

La mécanisation ?

Pour alléger le coût de la préparation, l’entreprise a décidé, par le passé, d’investir dans des outils industriels pour faire préparer les poignées de publicités.

Trois machines sont encore en fonctionnement aujourd’hui dans l’ouest parisien, la région lyonnaise et PACA. Elles sont gérées et utilisées par des salariés d’une filiale de Milee (AD PRODUCTIONS) qui produit exclusivement pour Milee.

La encore, ces outils n’ont d’intérêt que si le volume de documents est important et si l’usage d’une machine génère une économie par rapport à la préparation manuelle par des humains.

Pour Adrexo, le choix des machines s’est avéré non seulement couteux mais n’a pas généré d’économies, bien au contraire, sans compter une nette détérioration régulière de la qualité qui a parfois pesé lourd sur les performances commerciales de l’entreprise.

Plus récemment, l’entreprise s’est équipée de petites machines plus simples et beaucoup moins onéreuses mais aussi nettement moins productives pour permettre de pallier au manque de distributeurs dans certaines agences et ainsi permettre de remettre les salariés entièrement sur le terrain en confiant la préparation aux machines.

Ces machines sont exploitées directement par Milee, dans le centre de distribution, et permettent d’assurer le travail d’un centre mais quasi exclusivement d’un centre.

Le coût réduit de ces petites machines permettrait de les amortir avec un équivalent de moins de 10 000 heures de travail, un investissement qui peut être provisoire donc, très vite rentable si la machine fonctionne bien et n’engage pas l’entreprise pour des mutations à venir.

Elle répond à un objectif immédiat sans contraindre l’avenir de Milee qui rejoint ainsi le type de machine utilisées par notre principal concurrent depuis très longtemps même si ce dernier les concentre en un lieu unique sur chaque région et pas dans chaque centre de distribution.

Là encore, l’évolution des volumes, les évolutions techniques et les impératifs à venir imposent de recourir à des dispositifs différents et à internaliser la production. C’est dans ce cadre que les organisations syndicales ont été amenées à négocier un accord d’entreprise permettant le travail de nuit notamment.

Le numérique à marche forcée

L’objectif affiché depuis d’ailleurs très longtemps par les grands magasins, c’est de favoriser le numérique dont le coût est largement inférieur et surtout qui donne une image plus écologique à la publicité.

Le problème, c’est que le numérique ne génère pas les mêmes retours de chiffre d’affaires et les enseignes rivalisent de créativité pour amener les clients vers ces nouveaux outils.

La démarche publicitaire est toutefois très différente. Ouvrir une application, c’est déjà avoir une idée sur une démarche d’achat alors que recevoir un prospectus, c’est tenter de déclencher une envie ou un besoin et de le transformer en achat.

C’est bien là que les gros utilisateurs du prospectus buttent sur l’idée de dispositif de remplacement qui va alléger la facture de la diffusion d’imprimés publicitaires tout en garantissant que le client vienne dans le magasin tout de même.

Nous ne voilons pas la face, si le prospectus existe encore, et ce, malgré son coût d’usage, c’est bien parce qu’il génère des retours importants et nos annonceurs qui mesurent tout, savent qu’ils auront du mal à le remplacer en l’état actuel des possibilités techniques.

Par l’arrêt de la distribution, c’est aussi un pari vers un passage en force vers le numérique qui est sans doute l’avenir mais qui est loin de satisfaire tous les consommateurs. Or, c’est bien eux qui ont le dernier mot dans ce domaine.

Et chez les concurrents ?

Beaucoup de petites entreprises de distribution installées sur des niches géographiques cessent ou vont cesser leurs activités et les deux principaux opérateurs nationaux sont aujourd’hui au pied du mur.

Mais c’est beaucoup plus simple quand on est intégré à un groupe d’importance colossale et ce, toujours grâce à la mutualisation des activités.

Lorsque la loi impose à un opérateur d’être présent sur tout le territoire et que son activité baisse, il la complète autrement en distribuant autre chose, en modifiant la fréquence de passage ou en activant d’autres services.

C’est ainsi qu’un opérateur a progressivement sous-traité une grande partie de la distribution des imprimés publicitaires à sa maison mère qui distribuait de moins en moins de courriers. Cette dernière a également chargé les voitures avec des colis, et bien d’autres choses au fur et à mesure du temps pour mutualiser encore et toujours.

Un seul salarié, une seule voiture qui passent au même endroit au lieu de deux ou trois, c’est évidemment des économies d’échelle et une évidence pour tout le monde.

Nous aussi, nous nous arrêtons faire une course sur le voyage du retour du travail plutôt que d’envoyer quelqu’un d’autre la faire et multiplier les déplacements. Le principe est le même.

Si cette solution permet un retour à un équilibre financier, tout va bien jusqu’à ce que les volumes baissent et ne permettent plus d’engranger suffisamment de chiffre d’affaires pour financer sa propre distribution, payer son sous-traitant et sa structure.

C’est ce qui se passe chez nos concurrents qui auront toujours la possibilité de distribuer les prospectus, quoiqu’il arrive, mais entièrement par la maison mère, et plus du tout avec son propre réseau. Il y aura toujours des distributions d’imprimés publicitaires chez notre concurrent, après un coup de peinture sur l’enseigne, la vente continue y compris pendant les travaux !

C’est probablement ce qui va se passer avec une bascule d’activité annoncée prochainement et un recentrage de l’activité vers d’autres domaines.

Et chez Milee ?

Pour Milee, la situation est bien différente, elle ne dispose pas d’une autre structure qui pourra mutualiser son activité avec celle de l’imprimé publicitaire et nous devrons donc limiter la diffusion à des zones rentables.

Elles peuvent se situer en ville ou en campagne, tout dépendra du nombre de points de livraisons.

Elle ne pourra pas d’avantage compter sur un sous-traitant pour ces zones plus « compliquées » car en ne diffusant plus toutes les boites, elle n’aura plus accès à la distribution de masse et devra remettre en cause les accords signés.

Si les abonnés sont nombreux, et que le service apporte une réelle valeur ajoutée aux clients par une réduction du nombre de prospectus à imprimer (donc une substantielle économie sur le papier) et touche des clients intéressés (réduisant ainsi la déperdition des imprimés non lus), le modèle économique peut créer une offre inédite et offrir aux clients une possibilité de transition plus douce vers le numérique.

Tout réside donc dans le nombre d’abonnés à venir sur la nouvelle offre 150euros.

Pour nous, il y a deux hypothèses, soit cette nouvelle activité est un leurre visant à laisser penser que la direction a effectué toutes les démarches possibles pour sauver l’entreprise avant sa chute, soit elle souhaite réellement faire de cette nouvelle offre un vecteur de communication puissant et durable et elle doit alors s’en donner les moyens.

Si, comme c’est le cas actuellement, elle limite le temps de distribution bien en dessous du temps nécessaire en prétextant que le temps Max est un outil de gestion de la productivité tout en assurant qu’elle souhaite demain ne plus avoir à gérer de problèmes de salaires, elle tient un discours incohérent et loin de nous rassurer.

Il parait en effet raisonnable de gérer les temps de distribution, mais nous rencontrons peu de cas ou les salariés mettent volontairement plus de temps qu’il n’en faut. Bien entendu, il existe des tricheurs, mais, comme les poissons volants, ce n’est pas la majorité du genre !

En contrôlant, formant, et en donnant les outils nécessaires pour effectuer un travail de qualité « normale », Milee peut obtenir des résultats mais c’est loin d’être la situation constatée aujourd’hui ou même les flyers qu’elle édite pour promouvoir son propre avenir ne peuvent pas entièrement être distribués et finissent parfois dans des bacs de recyclage et voyagent tous frais payés… vers la Belgique…


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