La Cour de Cassation enterre l’obligation d’utiliser la badgeuse pour mesurer le temps de travail.

Dans un arrêt du 20 mars 2024, rendu dans un dossier concernant précisement la société ADREXO devenue Milee, la Cour de Cassation reproche à l’entreprise d’imposer l’utilisation de la badgeuse comme moyen de mesure et de contrôle du temps de travail et de recourir à la géolocalisation en indiquant qu’il existait d’autres moyens moins intrusifs.

Jusqu’à présent, il avait été indiqué par des Conseils de Prud’hommes et des Cours d’Appel que face à l’obligation, pour l’employeur, de mesurer et de contrôler le temps de travail, il pouvait être fait usage d’un boitier horodateur et équipé d’une geolocalisation car ce procédé était justifié et « proportionné » au but recherché.

La badgeuse était donc le moyen de satisfaire à l’obligation de contrôle du temps de travail et les juges trouvaient que la géolocalisation et la mesure du temps était un moyen utile et licite de faire cette mesure lorsque le salarié est en dehors du contrôle de l’employeur.

Patatra, le Cour de Cassation renverse totalement cette théorie !

Elle se base sur l’article L. 1121-1 du code du travail.

Selon ce texte, « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherchée ».

La Cour indique ensuite :

« Il en résulte que l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail, n’est légitime que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen, fût-il moins efficace, et n’est pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail« .

La Cour de cassation relève par ailleurs que le précédent juge (ici la Cour d’Appel d’Aix en Provence) indique :

  • « le salarié est soumis à un temps partiel modulé avec une durée indicative mensuelle moyenne de travail variable selon la planification de 52 heures, de sorte que la durée du travail est contractuel convenu et ne relève pas de la seule volonté du salarié, et, d’autre part, que l’accord d’entreprise prévoit que les distributeurs fixent librement leurs horaires de travail à l’intérieur des jours habituels de distribution et du délai maximum alloué pour la réalisation de la prestation, sans lui imposer d’accomplir des horaires de travail, de sorte que le salarié dispose d’une liberté relative consistant à fixer ses horaires pendant les temps de distribution, préalablement définis par l’employeur. »
  • « que le salarié demeure donc libre d’organiser ses heures de travail comme il le souhaite, dans le respect des règles légales et des délais de distribution, dès que le salarié ne déclenche le boîtier que par une action. volontaire, et uniquement pendant ses phases de distribution, qu’il peut l’éteindre à tout moment, qu’une fois désactivée pendant les phases non travaillées, le boîtier ne capte ni n’émet aucun signal, et que l’exploitation de ses Les données sont systématiquement différées et transmises à la société au plus tôt le lendemain du jour de distribution et d’enregistrement. « 

La Cour d’Appel d’Aix en Provence en avait déduit que « le système de géolocalisation, utilisé uniquement pour la phase de distribution, n’est pas incompatible avec l’autonomie relative du distributeur et ne contrevient pas à la libre organisation de son temps de travail. »

La Cour de Cassation, elle, ne partage pas cette analyse et casse le premier arrêt :

« En se déterminant ainsi, sans rechercher si le système de géolocalisation mis en oeuvre par l’employeur était le seul moyen permettant d’assurer le contrôle de la durée du travail de ses salariés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

« CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 13 janvier 2022, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence.

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvent avant cet arrêt et les renvoient devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée »

La Cour d’Appel d’Aix devra donc se prononcer sur la question de savoir si un autre moyen, « fut-il moins éfficace » existe et permettrait de satisfaire au but recherché, à savoir à la mesure et au contrôle du temps de travail.

Le débat tourne autours de la nécessité de géolocaliser les salariés pour mesurer le temps de travail, ce qui est de nature, comme l’indique le Code du Travail, à « restreindre les libertés indioviduelles ».


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