Les dirigeants de Milee sont convoqués le 3 juillet pour s’expliquer sur la situation de l’entreprise et compléter la documentation à fournir au tribunal.

Les choses sérieuses commencent.

Jusqu’à présent, l’entreprise a déposé le bilan, le tribunal en a pris acte et a ouvert une période de redressement judiciaire.

La procédure est assez classique jusque-là.

Toutefois, dans son jugement du 30 mai, le tribunal pointe quelques manques de documents et enjoint l’entreprise à les fournir pour le 3 juillet.

En parallèle, le tribunal a nommé 4 mandataires judiciaires et plus 2 administrateurs judiciaires qui ont pour mission d’assister et de contrôler la gestion de l’entreprise et 2 mandataires qui auront à enregistrer et à gérer les dettes passées.

Les 2 administrateurs vont s’appliquer rapidement à mettre en œuvre des mesures d’économie et, pour ce qui nous concerne, d’envisager un plan de sauvegarde de l’emploi (P.S.E.) afin de réduire le nombre de salariés (distributeurs, employés, agents de maîtrise, cadres).

Jusque-là, le scénario écrit par nos dirigeants se déroule comme prévu.

Ils n’avaient pas l’intention de payer les indemnités dues pour les salariés licenciés et la procédure de redressement judiciaire permettra de les faire payer par l’A.G.S.

Dans l’A.D.N. de nos dirigeants, donner de l’argent à des salariés pour quitter l’entreprise et, plus, négocier des indemnités est tout à fait inconcevable.

Il fallait toutefois montrer un début de bonne volonté et faire croire le contraire en préparant un P.S.E. avant le dépôt de bilan, et même faire preuve d’originalité en inventant des dispositions légales et jurisprudentielles qui n’existent pas.

Comme c’est la panique totale dans certains esprits des représentants du personnel, il était facile de faire passer la ficelle, même si elle était grosse cette fois, et c’est traditionnel dans le fonctionnement de la direction, plus c’est gros, plus ça passe.

Lundi dernier, nos représentants ont même suggéré de licencier le plus possible, pour sauver l’entreprise… Comprenez, pour la faire vivre le plus longtemps possible avec eux… Tanpis pour les autres.

« Charité bien organisée commence par soit même »…

Le but, pour nous, c’est surtout de sauver le maximum d’emplois et de ne pas rentrer dans une logique personnelle en se prostituant au profit de la direction qui organise la situation actuelle depuis des années.

Car, il ne faut pas être un grand gestionnaire pour comprendre que si l’entreprise veut durer, elle doit couvrir une partie significative du territoire et que pour cela, elle doit avoir des distributeurs.

Que si elle licencie trop, elle ne pourra plus être attractive pour les acteurs nationaux du marché de la distribution adressée.

Il faut bien comprendre que l’avenir voulu par la direction est basé sur le « tout adressé » (Presse, 150euros, courriers) sans activité colis ou autre et qu’il faut donc que le chiffre d’affaires soit suffisant sur cette activité afin d’à minima d’équilibrer les comptes.

Il faut donc se focaliser sur ce développement, sa faisabilité et sa profitabilité sans oublier d’analyser les raisons qui font que l’entreprise est aujourd’hui dans cette situation et qu’elle ne possède aujourd’hui que peu d’actifs.

La mission des représentants du personnel aujourd’hui, c’est d’informer, de proposer et de défendre les salariés.

Autant dire que ce n’est pas gagné pour l’entreprise malgré les mots de nos dirigeants qui n’osent pas parler de dépôt de bilan (c’est pourtant bien le cas.) mais d’une mesure « de mise sous protection du tribunal de commerce », ce qui est vrai aussi, mais présente aussi l’avantage de ne pas dire la complète vérité.

Car le tribunal pourrait ne goûter qu’avec modération aux propos de bonimenteurs de nos dirigeants qui ont l’habitude de manipuler les interlocuteurs avec des paroles adaptées.

Il va falloir faire un peu plus qu’un numéro de claquettes pour les impressionner, ils ont l’habitude des cas difficiles et des situations créées de toute pièce d’autant que la réputation des protagonistes n’est plus à faire sur la place.

L’entreprise déclare plus de 70 millions de passif pour un peu d’un million d’actif, il est difficile de croire que l’on en soit arrivé la en quelques semaines.

Le tribunal va donc avoir à fixer la date réelle de la situation de cessation des paiements.

Il aura aussi le pouvoir de revenir sur des décisions prises depuis le début de cette période afin de remettre l’entreprise dans une situation plus favorable.

Pour mieux comprendre la situation réelle de l’entreprise, le tribunal pourra compter sur les administrateurs judiciaires et vont tout analyser et prendre la main sur les principales décisions à venir (en particulier l’analyse financière et de trésorerie à compter du 30 mai pour continuer l’exploitation) mais aussi l’analyse des différents flux d’argent entre les entreprises du groupe qui a fait l’objet de profonde modification au fil du temps pour accumuler les coquilles vides et les entreprises à déficit chronique qu’il faut bien entretenir d’une manière ou d’une autre.

Encore, ces derniers jours de mai, par exemple, une société du groupe s’est adossée à Dispeo pour des raisons inconnues.

Tout cela se fait dans une opacité totale.

Le tribunal va dans un premier temps se faire verser le contenu de la procédure de conciliation qui avait débouché sur la réalisation du dernier emprunt réalisé auprès du fonds luxembourgeois Ben Oldman pour 27 millions alors que l’entreprise était déjà dans l’incapacité de faire face à ses dettes et que cet emprunt n’a bouché qu’une infime partie des créances (pour preuve, il suffit de regarder la situation actuelle.).

Le tribunal impose ensuite aux dirigeants de fournir 3 semaines avant l’audience du 3 juillet (c’est-à-dire la semaine prochaine) :

  • le bilan comptable de son dernier exercice, certifié par son Expert Comptable,
  • une situation comptable de la période d’observation arrêtée à la date la plus proche
    possible de l’audience, certifiée par son Expert comptable,
  • l’attestation de son expert comptable relative à l’absence de dette de l’article L. 622-17
    du Code de Commerce,
  • une note explicative adressée aux juges-commissaires ainsi qu’au tribunal concernant les
    comptes consolidés du Groupe HOPPS au titre de l’exercice 2023 et le compte courant
    débiteur de ce groupe dans les comptes de la SAS MILEE,
  • et de justifier de ce que les frais inhérents à sa procédure de Redressement Judiciaire ont
    été réglés au Greffe du Tribunal de Commerce de Marseille.

« étant rappelé qu’à tout moment de la période d’observation le Tribunal, à la demande du
débiteur, des mandataires désignés, du ministère public ou d’office, peut ordonner la
cessation partielle de l’activité ou prononcer la liquidation judiciaire si le redressement
judiciaire est manifestement impossible ; »

En effet, malgré la demande très prévisible du tribunal, la société n’a pas encore finalisé ses comptes 2023 et il va donc falloir le faire très vite.

Le tribunal veut aussi se faire expliquer les comptes du groupe Hopps et les sommes dues à Milee par le groupe (comptes courants débiteurs).

Avec une gestion centralisée de la trésorerie, il est évident que toutes les filiales sont connectées et les dirigeants commencent d’ailleurs à percevoir le risque en annonçant l’abandon partiel de cette méthode pour une filiale. La encore, le tribunal et les mandataires vont y voir clair.

Ces mandataires, eux, analysent la situation dans sa totalité tant pour le passé, que l’avenir et rendent compte de la réalité sans être influencé par le discours de la direction, cela a d’ailleurs été clairement rappelé lors d’une réunion lundi après-midi.

Rien n’est donc gagné pour le moment pour l’entreprise et surtout pour nous, les salariés de l’entreprise.

Le 3 juillet, le tribunal pourra aussi constater le versement des salaires de juin qui doivent être virés le lundi 1er juillet. Ce sera un signe important pour la poursuite d’exploitation puisque l’entreprise doit pouvoir payer ses factures et ne pas générer de nouvelles dettes.

Le tribunal prendra sans doute le temps de délibérer après la prochaine audience du 3 juillet et pourrait avoir d’autres exigences ensuite, mais il est certain qu’il suivra de très près l’analyse en cours et que « la protection du tribunal de commerce » sera une mesure « exigeante » et pas une simple formalité d’étape comme pouvaient l’espérer nos dirigeants.


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